Il était une fois la révolution libyenne – Dimitri Beck, Polka Magazine / France Info

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Une chronique sur France Info

Texte : Dimitri Beck

IL ÉTAIT UNE FOIS LA RÉVOLUTION LIBYENNE

Des combattants libyens sont arrivées à Sarajevo pour assister à la première mondiale de “Tomorrow Tripoli. The Revolution of the Rats”, film documentaire qui leur est consacré. Son réalisateur, le Français Florent Marcie, est là pour les accueillir. Un happening hors du commun pour la première édition du festival de la fondation WARM.

Sur cette photo, prise mercredi 2 juillet à l’aéroport de Sarajevo, capitale de la Bosnie-Herzégovine, c’est une arrivée pas comme les autres. Une histoire professionnelle et humaine franco-libyenne incroyable, celle de Florent Marcie [à gauche sur l’image], réalisateur indépendant de films documentaires, et de Milad Lamine [au centre], un combattant libyen qui a pris les armes contre Kadhafi de février à octobre 2011, huit mois d’une guerre civile qui a conduit à la chute et à la mort du dictateur.

Tout commence en février 2011. Florent Marcie décide de se rendre à Zintan, une ville rebelle au régime de Kadhafi, située aux portes du Sahara, dans une région montagneuse à 170 kilomètres au sud de Tripoli. Là vivent 40 000 habitants. Mais, à Zintan, il règne plutôt une ambiance de village, comme nous le raconte Florent Marcie.

Le Français fait le choix d’aller, seul, dans cette ville où la presse ne va pas, loin des combats de Benghazi, à l’est du pays. Il y rencontre un peuple de bédouins, réputés pour être d’âpres combattants, reconnus depuis toujours pour leurs faits d’armes.

Parmi eux, il y a Milad Lamine, aujourd’hui âgé de 60 ans, un des “anciens” et des sages de Zintan. Il est amoureux de la philosophie et de la Révolution françaises. Dans son salon, à côté de “La Joconde”, sa bibliothèque regorge de livres de grands auteurs: Victor Hugo, Jean-Paul Sartre, Albert Camus mais aussi des Grecs et des Humanistes. Avec Milad Lamine, le réalisateur aborde les grandes questions de société, parle de politique et de liberté. Au fil de la conversation, ils abordent la vie quotidienne de Zintan, ses combats jusque dans les tranchées.

Dans le film de Florent Marcie, on rencontre aussi Moqtar Dwabe, un ancien guide touristique devenu, par la force des choses, un combattant et même un grand commandant avec la prise de l’aéroport de Tripoli.

Le réalisateur français reconnaît que ces rebelles de Zintan sont certes de grands combattants mais qu’ils n’ont pas encore le sens politique.

Florent Marcie a passé tellement de temps à leurs côtés que la ville l’a fait citoyen d’honneur, nous a confié sa compagne. Tout le monde là-bas le connaît, y compris les femmes, alors qu’il n’en a rencontrées aucune.

“Tomorrow Tripoli. The Revolution of the Rats” (“Demain Tripoli, la révolution des rats”, du nom que Kadhafi donnait aux révolutionnaires) est projeté en avant-première mondiale lors de la première édition du festival de la fondation WARM (War Art Reporting Memory) à Sarajevo. Egalement coproducteur du film, la fondation WARM est dédiée à l’étude, sous toutes ses formes –films, photos, théâtres, performances, etc.–, des conflits contemporains.

Il y a deux semaines, Florent Marcie est retourné à Zintan pour finaliser le montage de son film et pour expliquer que la première projection se ferait à Sarajevo et non en Libye, comme certains s’y attendaient. “Ils ont tous compris. Ils ont dit que cette initiative était très bien. Et ont ajouté: ‘Qu’a cela ne tienne, nous viendront!’” Au début ils ne sont qu’une poignée à demander un visa. Puis ce sont 20, 50, 100 jusqu’à 200 demandes. Panique à Sarajevo pour obtenir en à peine quinze jours toutes les autorisations. Au total, 166 Libyens sont finalement venus. A la descente de l’avion privé qu’ils ont spécialement loué pour l’occasion, les jeunes en tenue occidentale se mélangent à ceux en costume et aux sages en tenue de bédouin.

La projection du documentaire fleuve, qui dure plus de quatre heures, a lieu ce jeudi 3 juillet à Sarajevo. Florent Marcie espère qu’il sera projeté un jour en France, peut-être dans une version plus courte. En attendant, il souhaite continuer de suivre les combattants de Zintan. Mais veut aussi s’impliquer dans des projets de société et contribuer à former des jeunes à la vidéo. Sa caméra n’a pas fini de tourner. La révolution n’est pas non plus terminée…

 

http://www.polkamagazine.com/26/le-mur/l-image-de-la-semaine/1633

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