#PBC2015 & Fondation WARM
« Comment raconter la guerre ? »
Posted 19 octobre 2015 by Michel Puech
Aux rencontres du Prix Bayeux-Calvados, le photographe Moises Saman de l’agence Magnum expose à la Chapelle de la Tapisserie de Bayeux jusqu’au 1er novembre 2015 Discordia, « les révoltes et les guerres arabes ». Le résultat d’un partenariat avec la fondation Warm.
Rencontre avec Rémy Ourdan, président de WARM
Rencontrer Rémy Ourdan est à la fois très simple – l’homme est direct, modeste et sympathique -, et, très compliqué : il a un emploi du temps chargé. En congé sabbatique du quotidien Le Monde, où il est grand reporter, il travaille beaucoup pour réaliser un film sur le siège de Sarajevo. Film qui sera diffusé sur Arte.
Après avoir repoussé un premier rendez-vous au 61, un café, bar, galerie dont il est, avec son frère et l’écrivain Jean Haztfeld, l’un des fondateurs et copropriétaires, nous nous fixons rendez-vous place de la République, non loin de la salle de montage où il travaille; mais, c’est finalement à Bayeux que nous avons enregistré cet entretien.
Pour cette rencontre, nous ne pouvions trouver meilleur endroit à Bayeux, que le salon de l’Hôtel du Lion d’Or où Rémy Ourdan, comme nombre de correspondants de guerre, a ses habitudes durant les rencontres du Prix Bayeux Calvados. Une sorte de pèlerinage, puisque les correspondants de guerre comme les généraux y ont défilé durant la bataille de Normandie.
Rémy Ourdan a toujours les yeux sur Sarajevo, pourtant c’est loin d’être le seul conflit qu’il a couvert, et, il a également dans les oreilles, les sons pop-rock décalés des années assiégées. « Je veux faire un film avec des sons des quatre années que j’ai passées là-bas » confie-t-il avant de chantonner le refrain.
Rémy Ourdan est le président de la fondation WARM, il est aussi une des figures de la famille de ceux qui vont « sur le terrain », comme ils disent parfois pudiquement.
Les reporters de guerre, quels que soient les médias pour lesquels ils travaillent sont comme les militaires. Ils se reconnaissent entre eux et s’identifient par zone de conflit. Après la génération Indo-Vietnam de Saigon, il y a d’autres clubs : ceux de Beyrouth, du Salvador, de Grozny, du Rwanda etc. Chaque conflit est couvert par un groupe de reporters et, depuis 22 ans, ils se retrouvent à Bayeux.
Quels sont les objectifs de la fondation WARM ?
Rémy Ourdan : « Warm est une fondation internationale qui s’intéresse à l’ensemble des conflits contemporains, du temps présent comme disent les historiens, sa particularité est de réunir toutes les disciplines. Tous les gens qui s’intéressent à raconter la guerre, pas seulement les reporters mais aussi les artistes, les historiens, les universitaires et les activistes, les gens d’ONG, et même des combattants comme nous l’avons vu au dernier festival Warm. »
« Tous les récits nous intéressent, on estime que nous ne nous rencontrons pas assez ; donc l’objectif de Warm c’est de sortir chacun de son métier, de son corporatisme, et de partager les expériences. Qu’est-ce que c’est la guerre et comment on la raconte ? »
Et Pourquoi Sarajevo ?
Rémy Ourdan : « D’abord parce que l’idée de Warm est née à Sarajevo lorsque nous nous sommes rencontrés pour le 20ème anniversaire. C’est une idée qui j’ai eue et que nous avons rapidement partagée à une vingtaine de reporters ou d’anciens reporters et des amis sarajeviens qui eux sont plutôt artistes ou activistes de la mémoire. »
« La décision a été prise d’accompagner des projets partenaires, des coproductions, des expositions, des films, des livres, et d’organiser chaque année un festival fin juin. Une grande réunion. Fin juin, c’était le deuxième festival… Tout ça en attendant le développement de Warm, qui va prendre plusieurs années mais qui est de bâtir un centre permanent. »
« Un centre Warm, un centre d’archives et de mémoire, un centre de projets, de production et peut-être même une partie sur laquelle on réfléchit en ce moment et qui serait d’ouvrir une partie au public, une partie musée. »
« C’est un projet ambitieux, ça va prendre plusieurs années à construire ; mais, d’ores et déjà on fait ce festival interdisciplinaire où des artistes, des reporters – des milieux que l’on connait mieux – rencontrent ceux que l’on connait moins. Cette année beaucoup de gens des musées sont venus, des gens d’universités également. C’est très enrichissant de partager les expériences de ces métiers.»
Quel est l’objectif de ce partenariat avec le Prix Bayeux Calvados ?
Rémy Ourdan: « Bayeux est l’un des tout premiers partenaires de Warm, dès que l’idée a été lancée, Bayeux nous a proposé un partenariat. Pour l’instant, depuis deux ans, on coproduit une exposition qui est montrée en juin à Sarajevo pendant le festival puis en octobre ici à Bayeux pendant les rencontres du prix. »
« Cette année c’est l’exposition de Moise Saman, Discordia, sur les révoltes et les guerres arabes. C’est un projet qu’on a proposé avec Moise, qu’on a construit ensemble. C’est son projet. Il en est l’auteur, mais nous sommes partenaires depuis le début. Il va y avoir un livre l’hiver prochain avec un évènement en France, à Paris. »
Vous avez d’autres partenaires…
Rémy Ourdan: « En France, Warm a deux ou trois autres partenaires très forts : le Mémorial de Caen et le festival Visa pour l’image qui nous a proposé cette année une exposition Marcus Bleasdale. Au Mémorial de Caen, on fait des conférences et nous avons beaucoup d’autres projets. Ils nous soutiennent beaucoup mais il y a d’autres partenaires ailleurs sur la planète. En Bosnie et dans d’autres pays… Ce sont des partenaires donateurs, nous travaillons ensemble sur des projets. »
Propos recueillis par Michel Puech
Photographies de Geneviève Delalot
http://www.a-l-oeil.info/blog/2015/10/19/pbc2015-fondation-warm-comment-raconter-la-guerre/
Écouter l’entretien entre Rémy Ourdan sur WGR : http://radio.grands-reporters.fr/broadcast/1845-PRIX-BAYEUX-2015-Remy-OURDAN-Discordia-et-la-fondation-WARM
Exposition Discordia de Moises Saman de l’agence Magnum
Chapelle de la Tapisserie de Bayeux jusqu’au 1er novembre 2015
http://www.prixbayeux.org/exposition-moises-saman-magnum-photos-discordia/